PREAMBULE

Au cours de l’année 2001, la barre symbolique des 4 millions d’infractions a été franchie (statistiques officielles du Ministère de l’Intérieur publiées le lundi 28 janvier 2002 relatives à la délinquance):

· 4 061 792 crimes et délits, soit une progression de 7,7% par rapport à l’année 2000.

Tandis que le nombre des crimes et délits explose, celui des personnes mises en cause stagne:

+ 0,15 % par rapport à l’année 2000.

Les incarcérations, quant à elles, diminuent de 6,06 %...

Ces chiffres officiels font apparaître, de même, le nombre important de mineurs mis en cause: 177 010 en 2001, contre 175 256 en 2000.

Si la tranche d’âge des 15 à 17 ans diminue légèrement, celle des 13 à 15 ans reste stable.

Pour la tranche des moins de 13 ans, on observe également une certaine stabilité (+ 1%).

Ce constat met en évidence que la délinquance des enfants et pré adolescents s’approprie des méthodes et des agissements autrefois réservés à des acteurs plus murs: cambriolages, vols à l’arraché, trafics, usages d’armes blanches et parfois à feu sont commis par de très jeunes individus.

Ces mineurs représentent 21,18 % des personnes mises en cause, dont 36,13% pour des faits de délinquance de voie publique, contre 35,15% en 2000.

Presque simultanément aux statistiques du Ministère de l’Intérieur, paraissaient le 30 janvier 2002 les premières données sur les violences scolaires recueillies par le nouveau logiciel SIGNA du Ministère de L’Education nationale. Elles révélaient que plus de 16 000 actes de violence avaient été signalés par les chefs d’établissement d’écoles, de collèges et de lycées.

Ces statistiques globales, les premières considérées comme «fiables», ne portent que sur deux mois: septembre et octobre 2001.

16 382 agressions durant cette période.

Examinons le détail de ces actes signalés (source: Ministère de l’Education Nationale)

  • Violences physiques sans armes: 4 985

  • Insultes ou menaces graves 3 790

  • Vols ou tentatives de vols 1707

  • Racket ou tentative, extorsion de fonds 583

  • Dommages aux locaux 517

  • Autre faits graves 479

  • Intrusion de personnes étrangères à l’établissement 475

  • Jets de pierre ou autres projectiles 441

  • Tags 441

  • Violences physiques avec arme ou arme par destination 372

  • Injures à caractère raciste 303

  • Violences physiques à caractère sexuel 269

  • Tentatives de suicide 91

  • Autres 1929

    Le Premier Ministre Lionel Jospin et celui de L’Education Nationale Jack Lang, commentèrent ces statistiques au cours d’une conférence de presse, se réjouissant «de l’infirmation» de l’accroissement de la violence à l’école primaire!

    La mesure apportée par «SIGNA» permet de prévenir la violence, néanmoins il faut en souligner les limites: les effets pervers de sous déclarations des établissements scolaires, les incivilités subies par les enseignants qui n’y figurent pas et qui sont un problème central.

    Si ces premiers résultats ont le mérite d’exister, il est à noter qu’ils ne peuvent être comparés à aucun autre chiffre, puisqu’il n’existe pas de statistiques antérieures.

    Et pourtant, quelles que soient les prouesses rhétoriques sur la «minimisation» de la violence scolaire depuis ces dix dernières années, de François Bayrou à Claude Allegre, les plans anti-violence se sont succédés pour essayer de réfléchir et innover sur la pandémie alarmante de la délinquance à l’école.

    Les statistiques vont donc s’entrechoquer en ce mois de janvier 2002.

    Au delà des controverses et des interprétations, les questions de sécurité seront, on le sait, au centre de la campagne présidentielle.

    Pour les uns, les médias se font le relais de la réalité du malaise vécu et ressenti par les populations, pour les autres, il s’agit d’une orchestration médiatique pour déstabiliser le pouvoir en place qui s’efforce de minimiser la réalité en la qualifiant: d’un«sentiment d’insécurité» plutôt que d’une«réelle insécurité».

    En effet, aujourd’hui, la sensibilisation n’est plus à faire dans le domaine de l’insécurité et de la violence au niveau du public.

    L’année 2001-2002 aura vu de manière quasi hebdomadaire la diffusion de nombreux reportages à la télévision ou dans la presse, consacrés aux agissements des délinquants dont on produit le bilan chiffré.

    L’anatomie cathodique de ces délits ne laisse aucune place à l’équivoque. On assène au citoyen téléspectateur un éventail de reportages, caméras cachées, sur les modes opératoires de la délinquance, les lieux de traque, les interviews des casseurs confessant leur expression à chaud de leur «vécu».

    Ces chiffres ne laissent personne indifférent.

    Ils amènent obligatoirement à réfléchir sur cette déviance galopante et sur le nombre de victimes qui, de manière habituelle, subissent la dictature de la peur, notamment les habitants de quartiers réputés difficiles ou ceux des cités.

    Agressions dans les parkings, cages d’ascenseur coupe gorge, vandalisme, vols, viols, qui font partie de leur vie quotidienne.

    Perception donc d’une société qui se dégrade et dont les agresseurs ressortent toujours triomphants et impunis.

    Alors à quoi bon dénoncer ou porter plainte.

    Les débats d’experts à la télévision sont d’interminables joutes verbales n’apportant aucune réponse concrète à ceux qui subissent l’intimidation sournoise de la violence et à «l’omerta» qui l’accompagne.

    La lutte contre l’Insécurité devient en tout cas le sujet de préoccupation majeur pour les français.

    Le 14 mars 2002, un sondage réalisé par l’Institut BVA pour Paris Match, révèle que58% des personnes interrogées estiment que l’insécurité est le sujet le plus important de l’élection présidentielle, bien avant le chômage ( 50%) et l’avenir des retraites ( 31%).