Voici 17 ans, « La guerre d’Espagne et ses lendemains » de l’historien Bartolomé Benassar nous initiait au pertinent concept de « Laboratoire du siècle ». Car bien sûr, la guerre d’Espagne avait été l’un de ces chocs précurseurs qui, avant un conflit majeur (guerre de Sécession avant 1914-18, guerre d’Espagne avant la 2e guerre mondiale) en est le modèle réduit ; dévoile sa logique et son essence.
Aujourd’hui, scrutons un « laboratoire du siècle » d’ampleur géopolitique : la guerre du Yémen, où fait rage la cruciale bataille de Marib – semblable à celle de l’Èbre, dans l’Espagne de 1938, après laquelle tout bascula. Dans cette bataille, le Goliath saoudien est en passe de perdre face aux « Houthis », milices chi’ites quasi-inconnues, issues des montagnes yéménites. Clé d’énormes champs pétrolifères Marib est encerclée aux trois-quarts ; par le nord-ouest, les Houthis approchent prudemment du centre de cette métropole de 2 millions d’habitants, surtout sunnites.
Surarmé, richissime, le royaume saoudite s’enlise au Yémen. Même, cette guerre lancée avec arrogance par le prince héritier Mohamed bin Salman (dit MBS) – on verra plus bas que ce n’est pas sa seule foucade – ravage désormais le royaume. Depuis février 2021, sa capitale Riyadh, ses raffineries de pétrole, bases militaires, héliports et aéroports, sont sous une grèle de missiles et drones-kamikaze ; d’abord, la province de Jizan, proche du Yémen. Pire : à Riyadh même, un missile tiré de l’Irak par des miliciens chi’ites, à plus de 600 km., frappait fin janvier l’entrée du palais du gouvernement (al-Yamama palace).
Outre ce désastreux conflit où le royaume patauge depuis six ans, les mauvaises nouvelles s’empilent pour MBS, régent de fait du royaume :