1/ Le procureur de Grenoble a récemment fait des déclarations inquiétantes dénonçant un système mafieux installé sur la ville. Au-delà du trafic de drogue, des chantiers sont à l’arrêt, des entreprises de BTP rackettées… Grenoble est-elle la seule concernée en France ?
De temps à autres, un magistrat (dont la parole est moins contrainte que celle des autres agents du domaine régalien) se réveille comme d’un cauchemar – et le réel criminel lui saute aux yeux. Car à Grenoble comme ailleurs en France, il s’agit bien de crime organisé, non de mafias. Une fois encore, nous n’avons pas de mafias en France (l’Italie, l’Albanie, la Turquie, oui, pour rester dans des pays proches). Ni même en Corse, où le milieu criminel est certes actif, mais où des farfelus fantasment une mafia qui, dans cette île, n’a jamais existé.
Le choix des mots importe, car si le diagnostic est faux, le traitement échoue. Donc il s’agit, à Grenoble comme à Marseille, Toulouse, Nîmes et bien d’autres villes, de lutter contre une classique emprise criminelle.
Pourquoi échoue-t-on ? Parce que l’appareil régalien français ne sait plus rien, ou presque, du phénomène criminel. Aux écoles des commissaires de police et magistrats, les programmes sont ceux de futures assistantes sociales, au détriment des sciences criminelles. Toujours plus sur les minorités (sexuelles ou autres) bien peu sur les bandits. Moins encore de criminologie, si c’est possible, à l’ENA et écoles qui la remplacent. À la fin, sur le terrain, ça se paie.
Donc dans leur enseignement supérieur, les futurs commissaires et magistrats n’apprennent rien sur ce qu’ils affronteront vraiment sur le terrain – où d’ailleurs, ils vont toujours moins car accaparés de tâches bureaucratiques ou justificatives du respect de droits humains, eux-mêmes sans cesse plus pointilleux, diversifiés et complexes. Il faut bien dix ans à tous ces acteurs de la police et de la justice du quotidien pour réaliser le réel du terrain, dans la vraie vie. Là, ils montent dans la hiérarchie – et rebelote pour leur successeur.