« MINISTRE de la ville » est en France, la fonction maudite. D’abord, ce ministère possède un nom trompeur. Ce qui est ici frauduleusement nommé « ville », désigne en fait la galaxie nationale des quartiers ou cités hors-contrôle, dits, au fil des années, « sensibles » « prioritaires », voire « de reconquête républicaine » ; bref, les « territoires perdus de la République ». L’art de surnager dans ce marigot étant paré de l’euphémisme, forcément noble, de « Politique de la Ville ».
Quartiers, notons-le, qui prolifèrent tant et plus depuis l’origine. Quand le « Ministère de la ville » fut créé sous la présidence Mitterrand, fin 1990, M. Rocard étant Premier ministre, on en comptait quelques centaines ; ± 750 en 1996. Trente-quatre ans plus tard, au dernier comptage, ces quartiers sont près de 1 400 en métropole.
Secundo, « Ministre de la ville » est un poste météorique tout autant qu’à éclipse : Ministre d’État… ministre… ministre délégué… secrétaire d’État… en trente-quatre ans, la France en a cramé une trentaine, la situation sur le terrain empirant sans cesse. Dans la liste de ces excellences, l’antépénultième victime propitiatoire « de la Ville », Mme Agresti-Roubache, vient de donner au « Point » un sidérant entretien qui confirme – voire, renvoie au rang d’aimables galéjades – tout ce qui s’écrit de sévère sur la politique de la ville : aveuglement aux réalités du terrain… ignorance absolue de tout ce qui touche au crime et au trafic de stupéfiants…
Mais lisons Mme Agresti-Roubache ; elle nous dit comment M. Macron lui-même s’est saisi du dossier marseillais (et elle l’approuve bien sur pleinement) ; citons-la « L’État a d’abord ciblé les principaux problèmes [de Marseille] : écoles… rénovation urbaine… transports… hôpital public » : telles sont les priorités de la Macronie vers 2018. La sécurité ? Zéro. La mairie de la ville alors, connaît-elle mieux le problème ? Peut-elle utilement avertir, prévenir ? Là, Mme Agresti-Roubache largue le napalm : « Le problème, c’est la gouvernance marseillaise… [Benoît Payan, le maire] n’est pas aidé. Il n’a pas de stabilité dans son entourage et les bons sentiments ne règlent pas les problèmes. Il y a un vrai problème de compétences ».
Résumons : Le président de la République et son gouvernement n’ont pas idée qu’une criminalité galopante sévit à Marseille (ou s’en moquent) et leur rapport au réel politique marseillais, à toutes les couches de cet indigeste millefeuille (conseil régional… conseil départemental… municipalité…) débute par l’ignorance et s’achève, dans la bouche de Mme Agresti-Roubache, aux limites de l’injure.