Dans ses époustouflantes 0rigines de la France contemporaine – une grandiose érudition et le style des Trois Mousquetaires – Hippolyte Taine définit à merveille l’essence d’un gouvernement : « Un concert de pouvoirs qui, chacun dans un office distinct, travaillent ensemble à une oeuvre finale et totale. Que le gouvernement fasse cette oeuvre, voilà tout son mérite ; une machine ne vaut que par son effet. Ce qui importe, ce n’est pas qu’elle soit bien dessinée sur le papier, mais qu’elle fonctionne bien sur le terrain. En vain, les constructeurs allègueraient la beauté de leur plan et l’enchainement de leurs théorèmes ; on ne leur a demandé ni plans ni théorèmes, mais un outil ». Le problème dans la France de 2023, c’est qu’au concert-Macron, l’instrument crucial de la justice est hors d’usage et qu’au-delà, l’attelage régalien qu’elle devrait former avec l’intérieur, trébuche.
Certes, l’héritage que M. Dupond-Moretti a reçu de la pauvre Mme Belloubet n’a rien d’un cadeau. Son grand-oeuvre, les « Cours criminelles départementales » (CCD) censées libérer les Cours d’assise de la moitié de leurs charges, en temps et côté finances, ont été testées deux ans durant, dans 15 départements. Tout ça pour ça ! Gains de temps minime (12% environ) et « pas de résultats probants sur la réduction des coûts ». En prime, une éruption de plus dans une justice déjà accablée. Alors que, côté Assises, le pire est devant nous : au premier semestre 2022, les tueries entre bandits ont bondi de + 25%. Donc, bientôt, plus de procès d’assises encore, du fait de ces « règlements de comptes » dont l’agité M. Darmanin est le témoin impuissant.
Autre drame, côté « Concerts de pouvoirs », comme disait Taine : en pleine cacophonie, le Conseil constitutionnel et la justice, infichus de s’accorder, privent les douaniers de l’essentiel article 60 de leur code (épargnons au lecteur l’embrouille juridique). Résultat, en décembre, sur l’autoroute A4, une saisie de 2,3 kilos de cocaïne annulée par la justice, les trafiquants repartant libres, sans poursuites ni condamnation. Des douaniers désavoués, humiliés et impuissants – quand la douane assure près de 80% des saisies de stupéfiants, face aux futiles « pilonnages » policiers de M. Darmanin.
Venons-en au pire :
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