1 – Le Sénat publie une série de propositions chocs pour lutter contre le « Tsunami blanc » qui frappe aujourd’hui la France. L’Hexagone, semble-t-il, n’est pas la seule nation à peiner à contenir les trafics de drogue sur son sol. The Economist, par exemple, expliquait récemment que la Grande-Bretagne avait perdu sa « guerre contre la drogue ». S’agit-il vraiment d’une guerre perdue d’avance ? Peut-on vraiment dire, aujourd’hui, que nous avons tout essayé ?
FÉLICITONS d’abord les sénateurs de s’être attaqués à un problème (mondialement) grave et d’avoir publié ce riche rapport de plus de six-cents pages, dont les criminologues tireront à coup sûr profit. Mais aussi, constatons certains manques (j’y reviens plus bas) et étonnons-nous de propositions limite-farfelues : un DEA à la française ? La police anti-drogue d’un pays-continent (et pas nous) à 100% fédéral (et pas nous), service dont l’échec est abyssal ?
110 000 morts par an de surdose fatales et des cartels de la drogue contrôlant des pans entiers du territoire, jusqu’à la frontière canadienne ? Une dépénalisation du cannabis chaotique tournant au cauchemar ? Nulle guerre bien menée n’est fatalement perdue. Et s’il faut que les États-Unis nous servent à quelque chose, c’est de contre-exemple, pour ce qui touche aux stupéfiants – de cela, les exemples abondent tant et si bien, qu’on peut en faire un volume entier. Que MM. les sénateurs s’informent là-dessus serait bien.
Et The Economist, alors ? Cette icone mondiale de l’anarchisme-libertarien-mondain prône la dépénalisation entière de toutes les drogues. Dans la Colombie britannique canadienne et quelques États des États-Unis, des politiciens anars-antifa ont appliqué cette doctrine bobo – pour refluer bien vite, devant l’hécatombe de surdoses fatales jonchant les rues et le ravage des centre-ville. Oui, comme référence, il y a mieux que The Economist.
2 – Dans quelle mesure peut-on dire que la France appréhende correctement la situation actuelle, au regard de la consommation de drogues et de la prégnance des trafics ? Faudrait-il peut-être changer de cadre intellectuel pour trouver une solution viable au problème auquel nous sommes confrontés ?
Le rapport sénatorial contient maints éléments et témoignages passionnants, mais y manque l’essentiel, un DIAGNOSTIC précis et bref : le médecin n’a pas besoin de six-cents pages pour dire « c’est la grippe », ou le garagiste, « c’est le carburateur ». Notre seul problème de stupéfiants est la présence en France de centaines de zones hors-contrôle, où les trafics se manigancent, se financent, s’opèrent ; d’où partent les livraisons de Ubershit et les tueurs allant éliminer un rival ; où abondent les supermarchés de la drogue, où les toxicomanes (non les « consommateurs ») viennent acheter et où règnent les gangs (non les « réseaux »).
Qui c’est ? Où ils sont ? Que font-ils ? C’est le diagnostic à poser, ce qui exige d’approcher le réel criminel, de connaître la pratique des bandits – qu’il aurait fallu extraire des précieux témoignages des professionnels. Pour conclure sur ce point avec Boileau (L’art poétique) « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Mieux que l’usage constant, dans ce rapport, que la « langue de coton » des post-Marie-Chantal du Monde ou de Libé.