II – 3 – 2 Sémiologie de l’insécurité

Le débat pose donc aujourd’hui de manière implicite la même question qu’hier, c’est à dire l’action des villes ou des banlieues sur le comportement des individus qui y résident.

Comportement ludique ou déviant, puisqu’on parlera de cultures urbaines telles que le Hip Hop, les tags, le roller, ou bien on parlera de «violences urbaines» représentées par les règlements de compte de bandes rivales issues de quartiers différents, d’incendies de voitures, de caillassages, et maintenant, de conquête de réels territoires urbains de non-droit où nul représentant institutionnel ne pénètre.

Ce détournement terroriste de la cité que constituent les zones de non-droit est une des manifestations de l’intimidation.

Mais la banlieue, la péri-urbanité sont-elles vraiment en cause dans ces déviances?

Lorsqu’il est question d’insécurité, la banlieue est stigmatisée dans le discours politique et celui des médias. Il s’agirait là d’un biotope très favorable aux développements criminogènes.

Cette représentation des zones extérieures des villes, finit par s’imposer dans les esprits, martelée par les images de la télévision qui sans cesse, et l’année 2002 en aura été le meilleur exemple, toutes chaînes confondues, filme les attroupements de jeunes dégingandés et cagoulés, prêts à en découdre avec tous.

Ces représentations engendrent chez ceux qui résident dans ces cités, un véritable sentiment de dépréciation, de honte qui apparaissent comme des réactions de victimation.

Car ceux que l’on montre si généreusement comme les fauteurs de troubles de ces cités ne représentent qu’un nombre réduit et en tout cas bien connu de tous.

La loi de Pareto trouve ici une illustration: 20% de commettants maintiennent sous leur emprise 80% des habitants des cités.

Ou encore, 80% des violences urbaines sont les agissements de 20% de jeunes délinquants identifiés.

La sémiologie de l’insécurité plante ainsi son décor: espaces publics dégradés, bâtiments lépreux, barbouillés par les messages abscons des tags, centres commerciaux dévastés.

Jacques Doyon, réalisateur du film «petits frères», plante sa caméra dans la banlieue et fait jouer les jeunes des cités. Il confie:«…Il y avait des fins d’après midi, on ressentait la pression un peu forte… La cité est un endroit épuisant, très épuisant. Il faut vraiment être né là pour pouvoir supporter ces tensions que la plupart des gens ne pourraient pas supporter, tellement c’est fort» (Jacques Doyon. Interview sur M6 du 23-03-2002.. «Spécial Délinquance»).

.

La Cité «Félix Piat» à Marseille, une des plus délabrées et des plus sensibles de la capitale phocéenne avec ses paraboles pointées vers la Méditerranée offre l’hallucinant spectacle de tonnes d’immondices, papiers, bouteilles, ordures jonchant tous le sol.

Ici, les cages d’escaliers sont dévastées, tout est à peu près détruit.

Climat de pression, atmosphères particulières que nous appelions précédemment «intimidation exogène» de l’environnement, si propice à créer ce terrain favorable à l’apprentissage de la rue et à ses jeux.

Prises en sandwich à l’intérieur de ces zones dites difficiles et afin de porter aide et requalification à des publics en difficulté résidant au sein de ces péri-urbanités, des associations, des travailleurs sociaux, des bénévoles cherchent à actionner les leviers prioritaires pour restaurer la confiance, renverser la tendance, développer des activités et conjurer le magnétisme négatif de ces cités.


Page précédente - Sommaire - Page suivante