Section II - Le dispositif de lutte anti-terroriste en aval

Au dispositif en amont présenté ci-dessus, vient se greffer, en aval, un autre dispositif de sûreté. Ce dispositif, à caractère purement préventif, a pour objectif de mettre en _uvre des mesures de nature technique, destinées à protéger l'aviation civile contre la menace terroriste. Ce dispositif est mis en _uvre sous l'égide du ministère des transports et notamment de la DGAC. Il associe en outre un certain nombre de partenaires, collaborateurs essentiels au fonctionnement d'un tel dispositif. En raison du devoir de réserve s'imposant à notre qualité de fonctionnaire de la DGAC et du caractère sensible du dispositif de sûreté déjà évoqué, nous nous limiterons alors à une étude descriptive particulièrement sommaire. Ainsi, présenterons nous successivement l'organisation de la sûreté, le dispositif de sûreté et enfin les travaux effectués au sein des instances aéronautiques internationales.

A - L'organisation de la sûreté

La sûreté du transport aérien trouve son fondement juridique principalement dans les normes et pratiques recommandées98 de l'annexe 17 de la convention de Chicago du 7 décembre 1944 élaborés par l'OACI (sur laquelle nous reviendrons ultérieurement), dont l'objectif est " d'assurer la protection et la sauvegarde des passagers, des équipages, du personnel au sol et du public du transport aérien contre les actes d'intervention illicite commis au sol ou en vol "99, mais également dans le document sûreté élaboré par la CEAC. Aux fins de protection décrites ci-dessus, l'annexe 17 insiste ainsi sur le fait que " Chaque Etat contractant établira un programme national de sûreté de l'aviation civile "100. De cette norme, il ressort donc clairement que le dispositif de sûreté du transport aérien est de la responsabilité de chaque Etat contractant, en l'occurrence, s'agissant de la France, de l'Etat français représenté par le ministère des transports et plus précisément, du fait des délégations de compétence, par la DGAC. La sûreté du transport aérien de notre pays est organisée de manière triangulaire. Nous parlerons alors d'organisations fonctionnelle, opérationnelle et enfin conjoncturelle.

Dans sa structure fonctionnelle, la sûreté est dirigée par le chef de la mission sûreté-défense (MSD) de la DGAC, agissant sous l'autorité du directeur général de cette dernière. Ce chef de mission est lui-même assisté dans sa tâche par un bureau composé à la fois de personnels civil et militaire (personnel militaire issu de la GTA). Cette mission sûreté-défense entretient, dans l'accomplissement de sa tâche, des relations tant avec les services chargés des questions techniques et financières de sûreté (service des bases aériennes, service technique des bases aériennes et service spécialisé des bases aériennes) qu'avec les services déconcentrés métropolitains et Outre-mer de l'aviation civile. Dans sa structure opérationnelle à caractère pyramidal, la sûreté s'articule autour de quatre organismes chargés de missions complémentaires :

L'organe supérieur est le Comité National de Sûreté (CNS). Ce comité, créé par un arrêté du 24 décembre 1971, est interministériel. Il est présidé par un haut fonctionnaire nommé par le ministre des transports, en l'occurrence le chef de l'inspection générale de l'aviation civile, et composé de sept responsables représentant respectivement les ministres de la défense, de la justice, des affaires étrangères, de l'intérieur, de l'économie et des finances, des postes et des télécommunications ainsi que des transports. Il dispose par ailleurs de l'assistance des différentes associations représentatives des professionnels du transport aérien. Ce comité a pour mission d'élaborer les grandes orientations stratégiques en matière de sûreté. A ce titre et conformément à l'article 5 de son arrêté de création, " il élabore et propose aux ministres intéressés toutes les mesures et procédures destinées à assurer la sûreté du transport aérien, il coordonne et suit l'action des comités locaux de sûreté d'aéroports (définis ultérieurement), il étudie la suite à donner aux recommandations de l'OACI et de la CEAC... ".

Le second organisme est le Groupe des experts de sûreté de l'aviation civile (GESAC). Il est présidé par le chef de la MSD et a pour mission de mettre en place les plans d'actions permettant de réaliser les orientations stratégiques définies par le CNS. A cette fin, il lui revient l'élaboration d'un manuel national de sûreté.

Le troisième organisme est le Comité Local de Sûreté Aéroportuaire (COLSA). Créé par un arrêté du 13 février 1976, il est placé sous l'autorité du préfet qui, conformément aux articles L.213-1 et 2 du code de l'aviation civile101, est chargé de la police des aérodromes. Ce comité est toutefois, dans la pratique, présidé par le directeur d'aérodrome et comprend l'ensemble des responsables des services public exerçant leur activité sur l'aéroport (police, gendarmerie, douane, poste, etc.), ainsi que les représentants des principaux organismes participant à l'exploitation de l'aéroport (gestionnaire d'aéroport, compagnies aériennes). Ensemble, ils sont chargés de la mise en place d'un programme de sûreté, prenant en compte les particularités de l'aérodrome. Ce programme, qui précise les mesures de sûreté à prendre en permanence, celles à appliquer dans certaines circonstances ainsi que la répartition des tâches entre les autorités et organismes responsables, est soumis à l'approbation du préfet. Ce comité est par ailleurs chargé de la mise en _uvre tactique des orientations et plans d'actions découlant dudit programme.

Enfin, le dernier organisme comptant dans cette organisation opérationnelle est le Comité Opérationnel de Sûreté (COS). Ce comité a été institué par une circulaire du 19 juillet 1985. Il est présidé par le directeur d'aérodrome et comprend des représentants de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des douanes, de la concession aéroportuaire, des compagnies aériennes françaises et étrangères. Il doit se réunir régulièrement, voire quotidiennement , si les circonstances le justifient. Il est chargé de la mise en _uvre, au quotidien, des mesures de sûreté. Il doit ainsi prendre connaissance de tous les incidents concernant la sûreté, afin d'en tirer les conséquences. A ce titre, il est chargé de faire contrôler le respect des consignes et la bonne marche des équipements de sûreté mis en place. Un compte-rendu régulier atteste l'exécution de ces mesures.

Cette organisation permet de déterminer, en fonction de la menace existante (degré de la menace terroriste, gouvernements instables, risques de soulèvement), la nature des mesures qu'il convient de mettre en _uvre ponctuellement sur un vol, une ligne ou un pays. Cette organisation est mise en _uvre par le groupe interministériel des vols sensibles, qui se réunit chaque fois que les circonstances l'exigent. Ce groupe est présidé par le chef de la MSD et réunit toutes les personnes susceptibles d'apporter des informations pertinentes sur le menace. Se trouvent ainsi regroupés des représentants des ministères de l'intérieur (UCLAT), de la défense, des douanes, des affaires étrangères, des représentants de l'union des chambres de commerces ainsi que des représentants des gestionnaires d'aéroports (UCCEGA) et de compagnies. Ses décisions sont transmises aux présidents des comités locaux de sûreté pour application.

B - Le dispositif de sûreté

Comme nous l'avons décrit précédemment, chacune des autorités précitées a pour mission, à son niveau de compétence, de protéger l'aviation civile contre la commission d'actes illicites. Il s'agit concrètement d'empêcher l'introduction d'armes et d'explosifs à bord des aéronefs ou à proximité de ces derniers, par la mise en place d'un dispositif de sûreté102 touchant toutes les composantes du transport aérien : passagers fret et poste, aéronefs et installations aéroportuaires.

Ce dispositif consiste en l'établissement de procédures et en la mise en place de moyens ayant pour but principal d'empêcher, quelque soit les moyens utilisés par des terroristes, l'introduction d'armes, d'engins explosifs de la zone publique vers la zone réservée ou protégée de l'aéroport. Ces modalités prennent la forme de visites de sûreté ou de fouilles.
Il existe deux types de visite de sûreté. Tout d'abord, les visites de sûreté touchant aux bagages ou au fret, ensuite les visites touchant aux personnes :

- Les visites de sûreté touchant les bagages et le fret sont effectuées à l'aide d'appareils de contrôle radioscopiques, ou appareils à rayons " X ", dont la propriété est de pouvoir traverser la matière. Cette propriété permet d'une part de reconnaître la silhouette des objets insérés dans les bagages et d'autre part de détecter les matières prohibées (explosifs, etc.)103. Toutefois, précisons ici qu'un instrument tout aussi fiable peut-être utilisé : il s'agit du chien et de son maître, particulièrement efficaces dans ce type de recherche.

- Les visites de sûreté touchant les personnes sont effectuées à l'aide de portiques détecteurs de métaux ou tout simplement de détecteurs de métaux. Cette visite de sûreté peut parfois déboucher sur des fouilles à corps.

Ces visites sont effectuées depuis la loi du 26 février 1996 relative aux transports sur la majorité des aéroports, par des personnes privées agissant sous l'autorité d'un OPJ, à l'exclusion des fouilles à corps et de la visite manuelle des bagages à main qui relèvent de la compétence exclusive des OPJ, en raison de leur nature attentatoire aux libertés individuelles.

A ces visites de sûreté viennent se greffer des mesures d'exploitation et de surveillance propres à chaque intervenant dans la zone réservée. Nous pouvons notamment citer les mesures de rapprochement entre les bagages et les passagers, destinées à éviter qu'un bagage non identifié voyage seul, ainsi que les vérifications d'identité effectuées, par les personnels des compagnies, tant à l'enregistrement qu'à l'embarquement.

Ce dispositif peut consister en une garde des aéronefs, voire une fouille de ces derniers si les circonstances l'exigent. Ce dispositif est assuré par les compagnies, ainsi que par les services de l'Etat concernés. Ce dispositif est toutefois renforcé sur les vols dits " sensibles ". Ce dispositif relève de la police d'exploitation des aérodromes mis en _uvre sur une plate-forme aéroportuaire par le préfet compétent dans la circonscription concernée. Les mesures préconisées seront fixées par arrêté et exécutées, chacun pour ce qui les concerne, par les fonctionnaires de police, de la DGAC, des douanes ainsi que par des gendarmes. A titre indicatif, nous pouvons souligner le contrôle des titres d'accès à la zone réservée, toutefois insuffisant. Des individus parviennent toujours à pénétrer dans l'enceinte de la zone réservée sans badge.

C - Les travaux des instances internationales et européennes

Nous distinguerons parmi ces travaux, les travaux déjà effectués des travaux en cours de chantier.

Les travaux effectués ont consisté, sous l'égide de l'OACI, principalement en la rédaction de conventions destinées à protéger l'aviation civile internationale contre les actes illicites, mais également en la mise en place d'un mécanisme d'assistance dans le domaine de la sûreté.

Naissance de l'OACI

A la suite de la conférence de paix de Versailles en 1919, il a été conclu une convention internationale portant réglementation de la navigation aérienne. Cette convention institua la Commission Internationale de la Navigation Aérienne : la CINA. Cette institution n'avait cependant qu'une portée limitée. C'est en 1943 que l'on a pris conscience de l'importance du développement technique de l'aviation et de la nécessité de prévoir des normes et des procédures, indispensables à ce dernier. C'est dans ce but que fut convoquée la conférence de Chicago en novembre 1944. Des délégués de 52 états y participèrent et signèrent ainsi le 7 décembre 1944 la convention relative à l'aviation civile internationale. Une organisation provisoire fut dans un premier temps instituée afin de veiller aux besoins de l'aviation civile, mais rapidement remplacée, le 4 avril 1947, par une organisation permanente dénommée " OACI "104. L'OACI regroupe aujourd'hui 185 Etats membres. Elle est composée d'une assemblée comprenant l'ensemble de ces Etats, d'un conseil regroupant 33 Etats membres élus par l'assemblée, ainsi que d'un secrétariat. Afin de lutter contre le terrorisme, phénomène international, l'OACI a proposé l'élaboration de conventions pénales spécifiques.

Les conventions pénales internationales105

Sous l'égide de l'OACI quatre conventions et un protocole ont vu le jour :

- La Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs, signée à Tokyo le 14 septembre 1963 ;

- La Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, signée à la Haye le 16 décembre 1970;

- La Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971;

- Le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale, complémentaire à la convention précédente, signé à Montréal le 24 février 1988;

- La Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection, signée à Montréal le 1er mars 1991.

La Convention de Tokyo

Lorsque cette conférence s'est ouverte, la vague de détournements d'avions n'avait pas encore connu le retentissement qui ne fut atteint qu'à partir de 1968, notamment avec le détournement de l'avion d'El Al. Cette convention n'avait donc pas pour objectif de lutter contre les détournements, " mais plutôt de traiter et d'établir une compétence pénale des Etats en attribuant des pouvoirs et des obligations aux autorités nationales différentes et au commandant de bord, en cas d'infractions à bord des avions "106. De plus, elle précise dans son article 11 une forme particulière de terrorisme, constituée par la piraterie aérienne et ainsi définie " lorsque, illicitement et par violence ou menace de violence, une personne à bord a gêné l'exploitation d'un aéronef en vol, s'en est emparé ou en a exercé le contrôle, ou lorsqu'elle est sur le point d'accomplir un tel acte, les Etats contractants prennent toutes mesures appropriées pour restituer ou conserver le contrôle de l'aéronef au commandant légitime ". Cette convention fut ratifiée par la France le 11 septembre 1970.

La Convention de La Haye

En raison de l'augmentation de la fréquence des actes de piraterie aérienne et du nombre d'Etats affectés (en 1970, quatre avions sont détournés), l'OACI a jugé indispensable d'adopter une convention permettant tant de punir les auteurs des actes de piraterie que de les empêcher de trouver un asile quelconque. Cette convention, qui vise précisément les actes de détournement aérien, punit les infractions suivantes : la capture illicite d'un aéronef en vol ou l'exercice d'un contrôle sur un aéronef en vol par la violence, la menace de la violence ou tout autre forme d'intimidation - ainsi que toute tentative faite pour commettre l'un quelconque de ces actes - et la complicité avec une personne qui commet ou tente de commettre l'un de ces actes (art. 1er de la convention). Cette convention qui recommande aux Etats d'appliquer des peines sévères à l'encontre des auteurs de ces actes, n'en a toutefois pas précisé le niveau, d'où des différences suivant les Etats (peine d'emprisonnement en France, peine de mort en Arabie Saoudite). Cette convention a été ratifiée par la France le 18 septembre 1972.

La Convention de Montréal

Cette convention a pour objectif de compléter la précédente, qui ne punissait que les actes commis à bord d'aéronefs et notamment l'infraction caractérisée par la capture illicite d'aéronefs. La Convention de Montréal a donc pour objet d'étendre largement la notion d'infraction pénale dirigée contre l'aviation civile. Ainsi, selon son article 1er," commet une infraction pénale toute personne qui, illicitement ou intentionnellement :

a) Accomplit un acte de violence à l'encontre d'une personne se trouvant à bord d'un aéronef en vol, si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de cet aéronef ;
b) Détruit un aéronef en service ou cause à un tel aéronef des dommages qui le rend inapte au vol ou qui sont de nature à compromettre la sécurité du vol ;
c) Place ou fait placer sur un aéronef en service par quelque moyen que ce soit un dispositif ou des substances propres à détruire cet aéronef ou à causer des dommages qui le rendent inapte au vol ou qui sont de nature à compromettre la sécurité en vol ;
d) Détruit ou endommage des installations ou services de navigation aérienne ou en perturbe le fonctionnement si l'un de ces actes est de nature à compromettre la sécurité d'aéronefs en vol ;
e) Communique une information qu'elle sait être fausse, et de ce fait, compromet la sécurité d'un aéronef en vol... ".

En raison de cette disposition, cette convention est donc, contrairement aux précédentes, très complète. Elle a été ratifiée par la France le 30 juin 1976.

Le Protocole de Montréal

Ce protocole a été mis en place pour lutter contre les actes de terrorisme au sein des aéroports, suite aux différentes actions terroristes perpétrés dans ce sens. (1970 : destruction au sol de trois avions à l'aéroport de Zarqa en Jordanie ; 1973 : attaque d'un avion de la Pan Am sur l'aéroport de Rome-Fiumicino). Il a pour objet de compléter la Convention de Montréal précitée en y ajoutant des infractions. Ainsi, conformément à son article 2, « commet une infraction pénale toute personne qui, illicitement et intentionnellement, à l'aide d'un dispositif, d'une substance ou d'une arme :

a) accomplit à l'encontre d'une personne, dans un aéroport servant à l'aviation civile internationale, un acte de violence qui cause ou est de nature à causer des blessures graves ou la mort ; ou
b) détruit ou endommage gravement les installations d'un aéroport servant à l'aviation civile internationale ou des aéronefs qui ne sont pas en service et qui se trouvent dans l'aéroport ou interrompt les services de l'aéroport, si cet acte compromet ou est de nature à compromettre la sécurité dans cet aéroport... ».

La Convention de Montréal et le Protocole doivent être considérés et interprétés comme un seul et même instrument. Ce Protocole a été ratifié par la France le 6 septembre 1989.

La Convention de Montréal

Cette Convention relative au marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection a été élaborée suite à l'attentat à la bombe commis contre l'avion de la Pan Am au-dessus de Lockerbie, en 1988. Elle prévoit notamment que tout Etat partie prend les mesures nécessaires et effectives pour interdire et empêcher la fabrication sur son territoire, l'entrée sur son territoire ou la sortie de son territoire, d'explosifs non marqués.

En outre, cette Convention établie une commission internationale technique des explosifs qui a pour mission d'une part, d'évaluer l'évolution technique de la fabrication, du marquage et de la détection d'explosifs et d'autre part, de présenter au conseil de l'OACI, en tant que de besoin, des recommandations concernant des amendements de l'annexe technique à la Convention.

Cette convention a été ratifiée par la France le 21 mai 1997.

Mise en place d'un mécanisme d'assistance

L'OACI a prévu la mise en _uvre d'un mécanisme d'assistances financière, technique et matérielle aux Etats, dans le domaine de la sûreté de l'aviation. A cette fin sont réalisés sur une base volontaire des audits de sûreté. Les Etats bénéficiaires doivent s'engager à accepter les conseils proposés et à donner effet aux mesures correctrices recommandées, dans des délais définis au préalable.

Au niveau de l'OACI

Le groupe d'experts de la sûreté de l'OACI a pour projet de proposer lors de la prochaine réunion de l'assemblée, la révision de l'annexe 17 à la convention de Chicago. En effet, il apparaît fondamental, pour l'OACI, de procéder à une actualisation des normes et pratiques recommandées figurant dans ladite annexe. Dans ce but, il est notamment envisagé d'une part, de mettre en place des audits de sûreté dans les Etats afin de vérifier la mise en _uvre des normes de l'annexe 17 et d'autre part, de réfléchir sur les points suivants :

- Elaboration d'un modèle de programme normalisé de sûreté de compagnie aérienne qui devra âtre accepté par les Etats ;
- Prise en charge plus efficace des bagages non accompagnés ;
- Vérification des antécédents, avant emploi, de toutes personnes autres que les passagers, qui accèdent sans surveillance aux zones réglementées d'un aéroport ;
- Développement des facteurs humains (norme sur la formation en matière de performances humaines pour le personnel de la sûreté de l'aviation civile ; recommandation concernant l'équipement de sûreté de l'aviation et une norme sur l'évaluation de l'efficacité des contrôles de sûreté.) ;
- Elaboration d'un texte destiné à appeler l'attention des Etats sur la nature confidentielle des informations concernant les systèmes de sûreté, afin d'éviter la pénétration de ceux-ci par les médias ;
- Gestion de la riposte à des actes d'intervention illicite en mettant notamment l'accent sur l'importance de retenir au sol un aéronef victime d'un acte illicite ;
- Introduction dans les programmes de sûreté des exploitants, de mesures et procédures pour garantir la sécurité à bord des aéronefs lors du transport de passagers faisant l'objet de mesures judiciaires ou administratives. En effet, l'absence de telles mesures pourrait être de nature à compromettre la sécurité des passagers, de l'équipage et de l'aéronef.

Soulignons, qu'en dépit de sa bonne volonté, l'OACI ne dispose d'aucun pouvoir d'injonction, ni de contrainte. Elle ne saurait donc imposer, à un Etat membre, le respect de l'annexe 17 relative à la sûreté. Elle peut au mieux retirer le droit de vote de l'Etat réfractaire à l'assemblée ou au conseil. Elle n'a cependant jamais usé de ce pouvoir.

Par ailleurs, les procédures de mise en _uvre des programmes sont très lourdes. Les programmes devant être avalisés par une résolution prise en assemblée, il convient d'attendre la réunion de cette dernière (tous les 3 ans) pour entériner les propositions. La prochaine a lieu en octobre 2001 et portera notamment sur les programmes de sûreté précités. La concrétisation de ces mesures devra donc encore attendre.

Nous pouvons en outre nous interroger sur les raisons qui ont poussé l'OACI à ne procéder, qu'aujourd'hui, à des audits de sûreté, dans la mesure où l'aviation civile internationale en aurait davantage eu besoin dans le début des années 80, en raison des multiples atteintes dont elle faisait alors l'objet. De plus, comment établir des propositions sécuritaires pertinentes, dès lors que l'OACI ne tient compte dans ses statistiques que des actes illicites ayant fait l'objet d'un rapport officiel. C'est ainsi que pour l'année 1998, l'OACI n'a relevé que 6 actes illicites, contre 27 enregistrés, pour la même année, par la FAA !

Enfin, il importe de préciser que l'OACI ne dispose d'aucune compétence quant à l'application ou l'interprétation des conventions pénales, cette dernière relevant essentiellement de la Cour Internationale de Justice. Cependant et à la décharge de l'OACI, soulignons que cette dernière ne fonctionne que sur le principe du respect de la souveraineté de chaque Etat membre. Il s'agit donc d'une organisation interétatique et non supraétatique. Elle ne saurait donc, sans méconnaître ses principes fondateurs, exercer une quelconque autorité sur les Etats réfractaires.

La CEAC

La CEAC est la conférence européenne de l'aviation civile. Elle comprend à ce jour 39 Etats membres. Elle a été créé en 1955 à l'initiative du Conseil de l'Europe et de l'OACI, avec pour objectif de promouvoir le développement d'un système de transport aérien européen efficace et durable. A cette fin, elle s'emploie à harmoniser les politiques et pratiques dans le domaine de l'aviation civile au sein de ses Etats membres et à promouvoir un rapprochement sur des questions de politique entre eux et d'autres régions du monde. Elle préconise notamment des mesures de sûreté et est actuellement en train de mettre en place un programme d'audits de sûreté, qui devra être normalement opérationnel à compter de janvier 2001. Le but de ces audits de sûreté vise d'une part, à la mise en _uvre de mesures harmonisées de sûreté (procédures et moyens) dans tous les Etats membres et d'autre part, pour les Etats dont les compagnies pratiquent des " hubs " (correspondances organisées de façon systématique au sein d'un aéroport)  à établir un contrôle unique. Ce dernier devra concrètement permettre à un passager en escale d'éviter de faire l'objet d'une nouvelle visite de sûreté, si celle-ci a déjà été effectuée au sein d'un pays audité. Des audits pilotes ont déjà été réalisés par les membres du groupe ad hoc de la CEAC.

La CEAC est une organisation intergouvernementale beaucoup plus dynamique que l'OACI, en raison d'une part, du nombre relativement restreint d'Etat la composant et d'autre part, de la régularité de ses réunions (3 à 4 fois l'an).
Nous pouvons observer que le système actuel, en dépit des déficiences évoquées, s'est largement amélioré au cours de ces dernières années et semble aujourd'hui beaucoup plus adapté que par le passé à répondre à une menace, dès lors toutefois que cette dernière puisse être qualifiée de « menace connue ». En effet force est de constater que face aux nouvelles menaces, le système accuse quelques lacunes, qui pourraient, dans l'hypothèse d'un passage à l'acte, se révéler fatales. A cet égard, nous pouvons notamment souligner l'incapacité des appareils radioscopiques à détecter des substances létales, ainsi que le cruel manque de sensibilisation des personnels en matière de risque informatique.
 

Page précédente | Sommaire | Page suivante

98normes : directives relativement contraignantes, dans la mesure où les Etats s'engagent normalement à les appliquer. Toutefois, ils peuvent s'y soustraire en raison d'une incompatibilité avec leurs règlements et usages nationaux. Dans cette hypothèse, celle-ci doit être notifiée à l'OACI. On parle alors de « notification de différence ».
Pratiques recommandées : directives particulièrement souples, puisque les Etats ont pour seule obligation de s'efforcer de s'y conformer, il n'y a donc pas d'engagement.

99Paragraphe 2.2.1 de l'annexe 17.

100Norme 3.3.1 de l'annexe 17.

101Cf. Annexe n° 3.

102Fondement juridique de ce dispositif présenté à l'annexe n°3.

103Cf. Annexe n° 4 pour photos

104Cf. Annexe n° 5.

105In, Code de l'Aviation Civile partie « Textes non codifiés et conventions internationales », 1998.

106in, " le terrorisme international contre l'aviation civile et la valeur des déclarations de Bonn et de Montebello en droit international public " de Jean-Louis Magdelenat, publié dans la revue française de droit aérien et spatial de 1982, n° 4 octobre-décembre.